« C’étaient de ses chambres de province qui nous enchantent de mille odeurs qu’y dégagent les vertus, la sagesse, les habitudes, toute une vie secrète, invisible, surabondante et morale que l’atmosphère y tient en suspens ; odeurs naturelles encore, certes et couleur du temps comme celles de la campagne voisine, mais déjà casanières humaine et renfermées, gelée exquise industrieuse et limpide de tous les fruits de l’année qui ont quitté le verger pour l’armoire: saisonnière mais mobilière et domestique, corrigeant le piquant de la gelée blanche par la douceur du pain chaud, oisives et ponctuelles comme une horloge de village, flâneuses et rangées, insoucieuses et prévoyantes, lingères, matinales, dévotes, heureuses d'une paix qui n’apporte qu’un surcroît d'anxiété et d’un prosaïsme qui sert de grand réservoir de poésie à celui qui la traverse sans y avoir vécu. L’air y était saturé de la fine fleur d’un silence si nourricier, si succulent que je ne m’y avançais qu’avec une sorte de gourmandise. »
C’est ici le parfum qui fait la maison. L’heure n’est donc pas au spectacle, mais bien au parfum du quotidien. Habiter son foyer pleinement et le meubler de ses goûts et de son imaginaire parfumé. Cette mise en senteur se doit d’être à l’image de l’habitant, audacieux ou délicat, c’est selon. L’architecture olfactive est une construction intime et éphémère. À chaque saison son identité olfactive, à chaque jour son humeur odoriférante. De même, à l’instant d’odorer son intérieur, le geste a toute son importance : le crépitement d’une flamme, l’ouverture d’une porcelaine, l’élan d’une allumette, le déclic d’un interrupteur, enfin, le silence d’un crayon… autant de gestes qui parfument avec justesse et élégance et embellissent le plaisir d’être chez soi.
Telle une frontière invisible à franchir, le parfum d’intérieur dénote avec celui du dehors. Le chez-soi parfumé se fait l'ultime repère de l’intime. Pleinement vôtre, il permet, plus rapidement, de s’abandonner au charme et au confort de sa demeure. C'est bien le parfum qui fait la maison.
« Une autre manière d’occuper plus d’espace : le parfum. »
Andy Warhol, Ma philosophie de A à B et vice-versa, 1975
La première impression n’est-elle pas toujours la bonne ? À peine le pas quitte le palier que cette merveille des bois odoriférants, l’aomori hiba, dégage son parfum citronné à la manière d’un cèdre léger, apaisant l’esprit et procurant un réel bien-être.
Quoi de plus vivant qu’une flamme de bougie à l’allure dansante ? Taillé dans un marbre et coiffé d’une cloche, le « verre » à bougie estampillé Buly est un objet somptueux et durable qui rappelle la splendeur des vases antiques. Il est d’ailleurs tout aussi précieux que la cire qu’il contient : exclusivement formulée à base de composants végétaux, elle est douce, naturelle et sans aucune nocivité. C’est bien au salon, où l’on fait salon, que la Bougie Odoriférante a toute sa place !
La petite taille de ces résines odorantes n’enlève rien à leur grand pouvoir parfumant. L’encens du mont Athos est idéal pour parfumer grandes salles et autres réceptions. Il compose d’ailleurs depuis des siècles les préparations à brûler destinées aux offices et à la prière. Maxime de rigueur : qui parfume une abbaye, parfume un cagibi.
À chaque bureau son travailleur. Certains l’aiment tiré à quatre épingles, d’autres le préfèrent brouillon et créatif, afin de susciter, selon le besoin, l’appel de la rigueur ou de l’imaginaire. Quoi qu’il en soit, une atmosphère parfumée mène à la productivité.Ces quatre crayons à parfumer prennent place avec évidence dans un pot… à crayons. À côté de leurs confrères non-odorants, ils passeront incognito par la vue mais certainement pas par la senteur.
La cuisine ne saurait souffrir d’un parfum trop enivrant car papilles et odorat se doivent de rester alerte dans l’exercice de la préparation, comme de la dégustation. Le parfum boisé, entouré d’accords de citron, d’épices, de menthe ou même d’anis de ce bois n’a rien d’artificiel et se marie à merveille avec les notes aromatiques de la pièce. Ce bois réputé dans la tradition chamanique pour « nettoyer l’âme », assainit l’atmosphère. Il désodorise, chasse les énergies négatives et équilibre l’humeur.
Il convient de parfumer la chambre à coucher afin d’entrer plus aisément dans le monde des songes. Pour ce faire, l’Officine invente la Lanterne Odoriférante et instille l’idée que le raffinement gagne autant l’odeur de l’atmosphère que le moyen de sa diffusion. Parallèle entre utilité et décoration d’intérieur, elle est un objet surprenant, faisant appel à la chaleur ingénieuse d’une ampoule pour diffuser le contenu ciré d’une bougie parfumée, et ce, en toute sécurité. Veilleuse du bon goût et de votre lueur… parfumée.
Ce petit parfum ambiant prend son envol où qu’il soit suspendu : dans l’antre d’une armoire à vêtements, dans l’habitacle d’une voiture, à la poignée d’une porte de boudoir… Il est beaucoup d’endroits que cette boîte métallique parfume avec brio. Sa prestance est non sans rappeler le design bien connu de sa grande cousine l’Eau Triple.
À la manière de nos aïeux, le pot-pourri se place malignement sur une table de chevet, une coiffeuse ou un secrétaire lorsqu’il ne se glisse pas, tout habillé de son sachet, dans le tiroir des habits de nuit ou de la bonneterie.
La porcelaine blanche peinte de bleu s’acclimate à merveille avec l’allure marmoréenne d’une faïence. À l’encolure d’un évier, aux abords d’une baignoire, l’Alabastre possède un grand pouvoir parfumant, sans chaleur, ni vapeur. Son nom s’inspire des vases grecs avec lesquels on puisait et conservait les huiles parfumées destinées aux soins du corps – les premiers parfums – dont la terre cuite poreuse retenait les effluves délicieux.
Les Allumettes Parfumées sont une autre manière de parfumer rapidement et élégamment l’atmosphère. Le pouvoir désodorisant des allumettes est attesté depuis des siècles, notamment pour assainir, sans nuire, l’atmosphère des toilettes. D’un seul geste, elles assurent à l’air ambiant un renouveau odoriférant. Tandis qu’elles s’enflamment, elles sont un odorant prélude aux senteurs des Bougies Odoriférantes qu’elles allument commodément.
« Parfumer sa maison est un exercice de style bénéfique à la douceur de vivre, aux humeurs de ses habitants et de ses visiteurs. Mon premier usage, banal et indispensable, est de domestiquer les odeurs familières. Le second est d’accentuer l’allure d’un décor en sélectionnant la juste senteur pour l’atmosphère d’une pièce. Dans les officines, la collection des parfums d’atmosphère est généreuse afin de respecter la singularité des goûts et des inclinaisons de chacun.Ce savoir-faire parfumé se déploie à travers différents instruments : bougies, bois, alabastres, allumettes et encens. Une quête d’architecture olfactive à entreprendre dans nos vies avec le même panache que les aristocrates de la cour impériale de Heian, au XIe siècle au Japon, qui se livraient à des tournois d’odeurs en mélangeant encens, aromates et bois odorants. Imaginer le parfum d’une pièce comme on le ferait d’un parfum de peau, qu'on choisit pour soi, c’est pour moi la touche ultime et immatérielle de la décoration. À chaque pièce son parfum, une identité olfactive qui tapisse silencieusement les murs. Elisabeth de Feydeau écrit joliment : « Dans la civilisation islamique, le beau se respire et respirer donne la vie ». Cette tradition arabe des fumigations de bois et d’encens dans les rituels de réception, les ancêtres de nos bougies parfumées, reflète le désir universel de partager la beauté. Parfumer sa maison est un geste intime et le signe d’une certaine hospitalité olfactive. Accueillir l’autre aimablement signifie l’intimité partagée. Une maison parfumée avec délicatesse comme un savoir-vivre pour soi et pour les autres. »
ALEXANDRIE
Vapeurs citronnées entourées de notes de menthe, de gingembre et de cassis
Sur le pavement incrusté d’onyx et de jade, le rayon de lune découpe le feuillage des citronniers, la danse des palmes, berce la chaleur du soir. Le torrent de la nuit qui afflue fait frissonner l’ombre bleue et mentholée du jardin. Sous le dais, dans la pénombre, brillent la lame courbée d’un sabre et un regard de marbre.
ANNIBAL
Cèdre, cuir, bois de cachemire et papyrus dans une senteur hivernale de bois crépitant
Le parfum des feux d’aiguilles de pin vert, offerts à Tanit, montait droit aux étoiles encore visibles à travers la forêt. Dans le sillage des éléphants d’Annibal, enduits d’ocre blanc, flottaient les fumerolles froides et bleutées des braises éteintes sous la neige fraîche. L’armée passait le dernier col en silence dans l’aube étincelante et gelée des sommets, les boucliers et les caparaçons frappés par les rayons argentés du petit matin.
CAMPAGNE D'ITALIE
Ensoleillées, les écorces délicates de bergamote et de pamplemousse se mélangent aux senteurs boisées de chêne et de cèdre
Senteurs de cuir, d’écorces, de terre, d’aiguilles et de feuilles torréfiées par l’été. La plaine, blanche de soleil et traversée d’abeilles sentinelles, éblouit l’attente. Dans l’ombre chaude du bois, au silence épais des chênes et des cèdres, le cliquetis des harnachements, l’impatience des sabots, l’éclat des fusils avant la charge.
GÉNÉRAUX D'EMPIRE
Douceur de la rose, caresse du romarin, fraîcheur du cassis
Les rires traversent en dansant les couloirs de châteaux, de palais, d’auberges, les chambres grandes ouvertes, dans un parfum de victoire. Au sol, les amants nus, les soies musicales, les robes froissées, les uniformes, le velours des roses et des violettes, les corbeilles renversées de fleurs et de fruits.
PATER MATEOS
Une brise marine emporte les effluves de bergamote, de citron et de bois de rose
Senteur verte de l’herbe mouillée, crue comme un printemps. Sur le ventre de la prairie frissonnent les fleurs de trèfles et les aubépines, les tiges bleuies par le petit matin. Le soleil sèche les haies, étincelle dans les graminées au bord des chemins, la fumée des feux de bois vert. La terre affleure et, sous le dos des prés, court l’échine ronde des vieux granits ourlés de mousses, comme des troupeaux assoupis, au musc ruisselant de rosée.
RETOUR D'ÉGYPTE
Un sillage d’aubépine, de jasmin, de muscade, d’ambre et de vanille
Senteur sacrée des ruines, des déserts de tombeaux et de colonnes enfouis sous la frappe millénaire du soleil. Dans les vases d’albâtre et les flacons de verre filé, le parfum figé de l’ambre et du benjoin, des fleurs et des bois fossiles, des anciennes magies.
SACRE
Parfum de sagesse sur une base d’encens où le miel et le pin couronnent le genièvre
Senteur de couronnement, gloria de genièvre et de miel, dans l’éclat des vitraux traversés d’un trait de soleil d’hiver. L’or des tentures éclabousse la cérémonie des colonnes et des voûtes, le silence pieux des statues d’ivoire. Dans la nef humide, embuée d’encens et de froid, le parfum d’oliban et de cèdre enjôle l’âme.
SUMI HINOKI
Les bois fumés d’hinoki, de cyprès et de cèdre composent ce triptyque cendré à fort caractère
Sève d’encens et feu sombre du bois sacré d’Hinoki sous les pluies d’été de Shôno. Parfum noble des temples passés à la flamme, laqués au noir de fumée, des coffres de cyprès où dorment les rouleaux calligraphiés, les soies et les sabres. Dans la vapeur verte des bains de cèdre, de camphrier, près des Torii de Tokaido, les images du monde flottant fixent la rumeur du torrent et l’envol de la feuille d’automne.
« Volupté des parfums ! – Oui, toute odeur est fée :
Si j’épluche, le soir, une orange échauffée,
Je rêve de théâtre et de profonds décors ;
Si je brûle un fagot, je vois, sonnant leurs cors,
Dans la forêt d'hiver les chasseurs faire halte ;
Si je traverse enfin ce brouillard que l’asphalte
Répand, infect et noir, autour de son chaudron,
Je me crois sur un quai parfumé, de goudron,
Regardant s’avancer, blanche, une goélette,
Parmi les diamants de la mer violette. »
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