L’Alabastre « Sacre » célèbre l’union grandiose et intense de deux bois : le pin et le cèdre. Le premier, vert absolu, symbolise l’hiver et l’immortalité ; quant au second, puissant et de rouge vêtu, il s’apparente à un velours d’apparat rayonnant sous la lumière chaude d’une flamme d’où s’élève un vétiver ambré. Autour d’eux, une haie d’honneur de baies de genièvre, épicées et poivrées, si prisées des Romains, sont adoucies de l’or doux d’un miel royal. Un encens précieux s’envole sous les voûtes de la cathédrale, avec en écho lointain, la couleur des pétales de fleurs célébrant ce jour de fête mémorable.
Cette senteur évoque le parcours insolite d’une des plus célèbres toiles de l’Histoire de France, peinte par Jacques-Louis David. Ce tableau immense commandé à l’avance par Napoléon immortalise le « Sacre de l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804 », une longue cérémonie aux fastes rappelant volontairement ceux de l’Empire romain, célébrée devant une assemblée pétrifiée par le froid dans un décor réinventé sous les voûtes de Notre-Dame, tout de tentures précieuses parsemées d’abeilles d’or, dans les fumées sacrées de myrrhe et d’encens. Quand il sort de la cathédrale, l’empereur au front ceint d’une couronne de feuilles de chêne et de laurier en or et diamants est salué d’une salve de cent-un coups de canons.
Pour le peintre David commence alors la réalisation de cette fresque de très grand format dans son atelier situé dans l'ancienne chapelle du collège de Cluny, à côté de la Sorbonne au cœur du Paris médiéval. L’odeur d’une bibliothèque idéale regorgeant d’anciens manuscrits se mêlait là à celle du bois : genièvre, cèdre et pin patinés par les âges, et des encens d’église sous les voûtes médiévales pendant que David peignait durant deux années son chef-d’œuvre. En 1837, le tableau est accroché aux cimaises de la salle du Sacre au premier étage du château de Versailles sur ordre du roi Louis-Philippe. Après sa construction, au XVIIème, cette salle abritait aussi, par le plus grand des hasards, sous Louis XIV, la deuxième chapelle du château. Là, la cire sur le bois prend des accents de miel et d’or, encore un écho symbolique aux futures abeilles de l’Empire. En 1889, « Le Sacre de Napoléon » prend ensuite sa place aux côtés de chefs-d’œuvre parfois millénaires dans une autre sorte d’église, vouée cette fois aux Beaux-Arts, le musée du Louvre. Du sacre au sacré, il n’y a qu’un pas.
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